Saturday, February 04, 2023

ANGÉLIQUE

 Je n’ai pas l’habitude de commenter mes lectures car je n’aime pas juger mes collègues. D’autant plus qu’une bonne critique peut passer pour du copinage. Je préfère agir discrètement dans les coulisses du Grand Prix de Littérature Policière qui récompense chaque année le meilleur roman du genre. Je fais néanmoins ici une exception pour le nouvel ouvrage de Guillaume Musso qui semble avoir opéré un vrai virage vers le thriller avec ce Angélique au titre en trompe-l’œil. C’est aussi l’occasion d’en finir avec la question de savoir si l’écrivain le plus populaire en France est aussi un grand écrivain de polar. Y a-t-il un style Guillaume Musso ? Qu’est-ce qui fait que ses livres touchent autant de gens, indépendamment de l’arsenal marketing déployé autour de ses parutions ?

 

Dans Angélique, les destins de Louise, Angélique et Mathias vont se croiser, ou plutôt se percuter et déclencher une série de péripéties inattendues entre Paris et Venise. Je ne dévoilerai rien sur l’histoire car chaque page, chaque chapitre réserve une surprise, un rebondissement, un retournement de situation. Sachant qu’ici, ce ne sont pas les évènements qui sont trompeurs, mais les personnages ! Leurs identités et leurs motivations sont sources de suspense et de coups de théâtre. Un peu comme chez Bacri et Jaoui où le dénouement révèle que souvent les gens ne sont pas ceux que l’on croit.

Angélique se veut donc un thriller psychologique, où les dialogues et l’introspection priment sur l’enquête, l’action et la baston.

Contrairement à la plupart des polars, Angélique est exempt de manichéisme. Pas de jugement de valeur, pas de leçon de morale, pas de politique, pas de ligne tracée entre le bien et le mal. Des inserts d’articles de presse et d’extraits d’interrogatoires renforcent cette absence de parti-pris. Contrairement à nombre d’auteurs qui croient indispensable de livrer leur avis éclairé sur l’état de la société, Guillaume Musso ne cherche pas à imposer sa vision du monde, à surfer sur les thèmes à la mode, à aller dans le sens de l’idéologie dominante, ni à se donner bonne conscience en traitant de sujets graves. On appréciera d’autant plus les quelques piques discrètement lancées contre la société de consommation ou les idéologies en vogue, telles ces placements de produit à la Fight Club ou l’interrogatoire de Mathias par un médecin psychiatre tendancieux.

Ainsi, tout le monde peut facilement se projeter dans Angélique. Et quand je dis tout le monde, c’est au sens propre : Guillaume Musso est lu dans 45 pays. Sa façon de raconter une histoire est similaire à celle des Anglo-Saxons pour qui l’humilité face au texte n’est pas un problème. Une méthode qui implique Outre-Atlantique la collaboration étroite entre les rédacteurs des maisons d’éditions et les auteurs lors de maintes réécritures jusqu’à atteindre l’universalité. À la différence que Guillaume Musso y parvient seul, au terme d’un long processus artisanal s’appuyant sur les retours de lecture de son éditrice et de sa compagne. 

Pour renforcer cette universalité, et exonérer le récit d’une temporalité et d’une spatialité trop marquées, à la manière d’un conte en quelque sorte, l’auteur d’Angélique ne noie pas son histoire dans notre réalité contemporaine. La seule référence temporelle du roman étant la pandémie de Covid, mais qui sert principalement à « nettoyer » le décor et à le rendre un peu plus magique. Ses personnages, complexes, évoluent ainsi dans des villes de carte postale (Paris et Venise comme vues par des touristes).

Vous l’avez compris, Guillaume Musso ne se regarde pas écrire. Pas de digressions, pas de fioritures linguistiques, quitte se prendre les pieds dans quelques répétitions. Les belles phrases, il les laisse aux autres auxquels il fait référence en plaçant leurs citations en têtes de chapitres. Musso raconte mais ne se la raconte pas. Et pour le coup, quel conteur ! Chaque mot, chaque détail est là pour servir l’intrigue. Style simple, lapidaire, efficace. J’en veux pour preuve ces deux phrases qui suffisent à définir un personnage : « Il se prendrait les coups de poing, les coups de couteau, les projectiles, les balles. C’était quelque chose qu’il savait faire. »  

Au lecteur de faire travailler son imagination à partir des éléments fournis par l’auteur.

Si Guillaume Musso vire l’inutile et l’encombrant, il gomme aussi les aspérités qui peuvent choquer, voire bloquer le lecteur. Pas de violence, de torture, de scènes de baise. On pourrait presque parler de thriller solaire. On est ici très loin de l’univers de mes romans, mais c’est cette diversité dans la façon de raconter une histoire qui fait la richesse du polar, n’en déplaise à tous les esprits sectaires qui sont pléthore dans ce milieu.

Le lecteur d’Angélique, lui, n’aura donc à souffrir d’aucun passage rebutant, ennuyeux ou lui rappelant simplement la misère du monde dont il cherche à s’évader à travers la lecture. Pour lui faciliter celle-ci, Guillaume Musso recourt au point de vue omniscient et à l’ironie dramatique pour que son lecteur en sache plus que ses personnages, et connaisse même le nom du coupable, sans pour autant que cela nuise au suspense, ce qui relève d’un sacré savoir-faire. Un savoir-faire que l’on trouve également dans un art chirurgical du montage, avec un récit construit comme un puzzle, découpé en trois parties centrées chacune sur l’un des protagonistes et enchâssant des flash-back bien placés. Guillaume Musso ose user également de quelques facilités scénaristiques pour « huiler » sa mécanique, une technique relevant plus du scénario, mais qui contribue à la fluidité du récit.      

Avec Angélique, le lecteur n’a qu’une option : se divertir et faire gambader son imagination. Mais intelligemment. Car dans son roman, Guillaume Musso s’interroge sans cesse sur ce qu’est l’humain et sur ce qu’est le réel, les deux questions fondamentales que doivent se poser tout grand écrivain.

En conclusion, Angélique est une mécanique de haute précision construite par un auteur expérimenté qui démontre avec son vingtième roman qu’il maitrise totalement son art. Avec Angélique, Guillaume Musso confirme qu’il est un auteur de polar talentueux avec lequel il faut compter. 

Thursday, July 01, 2021

LA NOUVELLE CENSURE

 

Albin Michel rompt son contrat unilatéralement avec un auteur qui ne partage pas leur idéologie.

Les Quais du Polar refusent d'inviter les auteurs qui ne partagent pas leur idéologie.

France Inter ferme la porte aux écrivains qui ne partagent pas leur idéologie.

Je cite des exemples mais on peut remplacer "Albin Michel" par la majorité des éditeurs, les "Quais du Polar" par la majorité des salons de polar et "France Inter" par la majorité des médias.

Si tu n’es pas gauchiste ou partisan de la woke culture, ça va devenir compliqué d’exister en tant qu’écrivain dans ce pays qui a jadis censuré Baudelaire, Sade et Vian.

Alors à tous les gogos qui trouvent ça normal, je leur dis :

Continuez de lire du Albin Michel, vous ne serez pas heurté par des récits subversifs.

Continuez de fréquenter les Quais du Polar, vous verrez les mêmes têtes chaque année.

Continuez d’écouter France Inter, vous penserez comme tout le monde.    

Vive la pensée unique, la bien-pensance, le politiquement correct, l'hypocrisie et le sectarisme!






Thursday, October 22, 2020

LA VÉRITÉ COMME FORCE DE FRAPPE

 

Il y a presque six ans, à l'occasion de ma rencontre avec l'imam de Drancy Hassen Chalghoumi, qui faisait suite à la sortie de mon roman "LA PORTE DU MESSIE" publié au Cherche Midi, j'avais écrit ce texte qui malheureusement est toujours d'actualité.  

 LA VÉRITÉ COMME FORCE DE FRAPPE

Face aux agissements de l’extrémisme islamique, face à la barbarie qui peut frapper à tout moment chez nous ou à l’autre bout du monde, face à la guerre planétaire qu’on nous sert actuellement pour des raisons religieuses, mais aussi économiques et politiques, comment faut-il réagir ? Comment enrayer l’escalade, souhaitée par les belligérants ?

Répliquer plus fort ? C’est le ressort même de l’escalade et c’est ainsi faire le jeu des extrémistes.

S’entendre avec l’agresseur ? C’est ce que firent Chamberlain et Daladier avec Hitler et Mussolini. On a vu le résultat des accords de Munich.

Rester indifférent ? C’est se soumettre et donc perdre.

Si on ne peut avoir recours aux missiles, à la conciliation ou au silence, que reste-t-il ?

Pour répondre à cette question, une remise à plat est nécessaire.

A l’origine, il y a un livre, le Coran.

Environ 20% des musulmans, qu’on appellera les radicaux fondamentalistes, y voient un livre de guerre et d’intolérance, un permis de tuer au nom de Dieu.

Environ 80% des musulmans, qu’on appellera la majorité pacifique, y voient un livre de paix et de tolérance, une source d’inspiration spirituelle. 
Respectons la foi quand elle reste dans le cadre de l’intime. La relation personnelle avec Dieu est le principe même de toute religion. En ce sens, elle est indiscutable. Intéressons-nous donc à la foi qui dépasse le cadre de la sphère privée pour menacer tous ceux qui ne la partagent pas. Les radicaux qui la portent en bandoulière font du jihad un combat à mort et tuent au nom de Dieu. Un Dieu de haine ? Un Dieu assassin ? Alors ce n’est pas le même Dieu que celui de la majorité pacifique. Mais un tel Dieu existe-t-il ? Il est permis d’en douter, car il se contredirait lui-même par rapport aux versets qui prônent la paix et la tolérance, ce qui est impossible puisque par essence, Dieu est perfection. Il y a donc usurpation, mensonge et manipulation de la part de ceux qui, en son nom, brandissent un couteau ou un fusil d’assaut.

On constate qu’il y a instrumentalisation du Coran.

Instrumentalisation par les fondamentalistes qui revendiquent un messianisme conquérant largement médiatisé.

Instrumentalisation par les dictateurs arabes qui arment secrètement ces fondamentalistes tout en faisant semblant de les combattre.

Instrumentalisation par l’Occident qui encourage une économie de guerre et ferait tout pour du pétrole.

Les fondamentalistes, les gouvernements, les multinationales en cause ont tous le même objectif : affermir leur pouvoir. Ils sont minoritaires à l’échelle planétaire mais ce sont eux qui dirigent, exploitent, embrigadent, torturent, décapitent, massacrent.

Alors quel est ce moyen dont dispose la majorité silencieuse et pacifique pour lutter contre la minorité hurlante et belliqueuse ?

Sortir de l’ignorance.

Car la connaissance qui mène à la vérité est une arme que les radicaux ne possèdent pas et qu’ils ne pourront jamais acquérir sous peine d’ébranler leur fanatisme et risquer de passer dans l’autre camp. Pour frapper l’obscurantisme, la barbarie et la tyrannie, la vérité est plus percutante qu’un missile qui ne fait que nourrir la haine de l’ennemi. La vérité est toujours ignorée dans un premier temps, puis dénigrée, puis violemment combattue jusqu’au jour où elle s’impose comme une évidence. La vérité finit toujours par l’emporter. Il suffit de la vouloir. Les Tunisiens l’ont bien compris. La vérité rend libre.

Tous ceux qui ne partagent pas la vision des radicaux, qu’ils soient athées, laïcs, agnostiques, croyants et surtout musulmans, premières victimes de cette guerre, doivent connaître la vérité.

Savoir que l’humain prime sur les textes, même sacrés.

Savoir que chaque verset de chaque sourate, pour être bien interprété, doit être contextualisé, mis en rapport avec les circonstances dans lesquelles il a été écrit…il y a 14 siècles !

Savoir que le Coran mal interprété est un formidable outil pour ceux qui veulent détenir un pouvoir égal à celui de Dieu. Les Califes, les nazis, la CIA, l’Arabie Saoudite, DAESH et tous les psychopathes de la guerre sainte n’ont pas eu de scrupules à s’en servir.

Savoir que la religion est une affaire qui ne concerne que notre rapport intime à Dieu. Si on vous dit le contraire, c’est que l’on cherche à vous embrigader. 

Savoir que le mot « jihad » signifie « combat intérieur » pour la majorité pacifique.

Savoir beaucoup de choses encore.

Le mal n’a pas besoin de hurler pour avoir notre attention et bénéficier de gros titres. Il suffit de deux esprits faibles et de deux fusils automatiques pour commettre un carnage et faire la une de tous les journaux. Malheureusement, les exégètes, les écrivains, les représentants éclairés de la majorité pacifique n’ont pas les porte-voix médiatiques que l’on tend aux barbares. Cela nécessite, de la part de tous, de faire l’effort (le « jihad ») de tendre l’oreille, d’ouvrir les yeux, d’écouter, de lire, d’apprendre. Car quand vous saurez, vous serez armés. Et vous vaincrez.

Philip Le Roy

Paris, le 7 janvier 2015

Monday, March 02, 2020

" JE DÉFENDS ! "

Depuis la sortie de « J’accuse » on pourrit la vie de Roman Polanski avec une affaire de mœurs pour laquelle il a plaidé coupable, a été condamné et a purgé sa peine il y a plus de 40 ans.


Polanski a payé sa dette derrière les barreaux, tout comme le réalisateur des « Misérables » d’ailleurs, qui lui, par chance, n’est pas inquiété par l’ire des féministes. Malgré cela, Polanski a dû fuir les USA à l’époque, à cause d’un juge corrompu qui a voulu refaire son procès afin de tirer avantage de la médiatisation de l’affaire. Le juge Rittenband sera finalement dessaisi de l’affaire pour irrégularités et abus de pouvoir, et le procureur déclarera que le temps passé par Polanski en prison correspond à la totalité de sa peine. La justice américaine procédurière n’a toujours pas clos le dossier puisque le réalisateur n’est jamais revenu sur le sol américain.       

Quarante ans plus tard, sur le sol français cette fois, Polanski est la cible d’une inquisition 2.0 menée à l’ère #MeToo par des activistes avides eux aussi de médiatisation, et se moquant complètement de la vérité et de la justice.  

La cabale prend une telle ampleur que la victime de cette vieille affaire qui lui a pardonné depuis longtemps est obligée de reprendre le micro encore aujourd’hui pour demander qu’on foute la paix à Polanski.

A ce jour aucune procédure judiciaire n’a été engagée sur une autre affaire de mœurs impliquant Polanski. Le reste n’est donc que témoignages douteux et invérifiables, ragots, rumeurs et mépris total pour la présomption d’innocence.


Et puis il y a eu la cérémonie des César. 

Je n’aime pas cette réunion syndicale présentée chaque année par un amuseur (ou une amuseuse, je précise) à l’humour balisé. Un show suranné où l’on récompense des comédies franchouillardes et des drames sociaux qui sont loin de nous faire rêver et n’ont que peu à voir avec l’art. Un spectacle de bobos où les discours de remerciements sont le prétexte à des revendications et à des leçons de morales affligeantes rivalisant avec celles déclamées lors d’une élection de Miss France. Une soirée paillettes où une poignée de privilégiés en goguette s’auto-congratule tout en s’efforçant de nous montrer qu’ils sont humains, que la misère dans le monde ça les touche eux aussi. Un défilé de bien-pensants avec un balai dans le cul et des gueules de grenouilles de bénitiers, réclamant des quotas. Le cinéma ne représente pas assez les femmes, les noirs, les jaunes, les roux, les diplômés, les nains, les malentendants, les retraités, les jeunes acnéiques, etc… Le projet pour l’instant étant de nous vendre un cinéma où le sexe et la couleur de la peau prévaudraient sur le talent.   

Vendredi soir, la bouffonne de service était Florence Foresti. Elle a annoncé d’emblée qu’il fallait du courage pour être à sa place. Du courage pourquoi ? Pour se payer la tête de Polanski qui n’était pas là pour se défendre ? Pour balancer des vannes évoquant les belles heures de l’humour antisémite sous l’occupation ? Sérieusement, quand on ressemble à Foresti, se permettre d’attaquer Polanski sur son physique c’est un peu jouer avec le feu, non ?  

Durant cette 45ème cérémonie des César, le courage est venu de quelques artistes comme Fanny Ardant qui s’est désolidarisée de la condamnation générale, ou de Kassovitz qui a mis en garde les actrices pudibondes prêtes à pousser des cris d’orfraie. Quand le jeu de séduction entre le réalisateur et son actrice sera prohibé, il n’y aura plus cinéma.

Et puis, il y a eu ce moment inattendu : l’attribution par l’ensemble de la profession du César de la meilleure adaptation ainsi que celui de la meilleure réalisation à Roman Polanski. Darroussin a failli s’étouffer en ouvrant l’enveloppe, incapable de prononcer le nom du réalisateur. Quel kiff ! Non seulement on consacrait le plus grand cinéaste contemporain de langue française mais Darroussin menaçait de finir aux urgences. L’Académie des César avait eu les couilles de récompenser Roman le Maudit à coups de milliers de votes ! Vendredi soir, l’art s’est hissé au-dessus de la meute hurlante, au-dessus des rumeurs et des cris de la rue qui tordent la vérité pour justifier des convictions sectaires, au-dessus du harcèlement des médias et des réseaux sociaux où l’on compare le présumé coupable à une ordure, voire au pire des assassins, certains imbéciles allant jusqu’à le mettre sur le même plan que Bertrand Cantat ou Hitler (sic). Les gens aiment haïr et ils ont le lynchage facile. La vindicte populaire est aveugle. C’est la même qui s’en prend au fugitif incarné par Redford dans « Impitoyable » ou aux trois suspects dans « Le glaive et la balance ». Vendredi soir, elle a été contrée par deux petites statuettes en bronze. La profession a tenu bon.

Dans l’assistance, Adèle Machin, frustrée de ne pas avoir été récompensée malgré le buzz qu’elle avait créé autour de sa petite personne, et choquée de l’honneur rendu au maître du septième art qui ne la fit jamais tourner, s’est levée en couinant « c’est une honte ». Quelques autres l’ont suivie religieusement à la manière d’une cohorte de bigotes effarouchées.

Les vautours qui rôdent autour de Polanski dans l’espoir de lui arracher une petite part de sa célébrité comme le fit le juge Rittenband ou pire David Chapman en abattant John Lennon, n’ont réussi leur coup qu’à moitié. Ils ont pris certes un peu de la gloire de Polanski, mais ils n’ont pas réussi à lui en enlever. Je conseille donc désormais aux obscurs et aux sans-grades en mal de notoriété ainsi qu’aux activistes de la vertu de se choisir d’autres cibles. Pourquoi ne pas aller décrocher la Joconde du Louvre par exemple, dont l’auteur, assurément, ferait passer Polanski pour un saint ?

L’artiste est comme l’albatros du poème de Baudelaire. Semblable au prince des nuées qui hante la tempête et se rit de l’archer, exilé sur le sol au milieu des huées, ses ailes de géant l’empêchent de marcher. L’auteur de « Chinatown » et de « Rosemary’s baby » a dû s’élever au-dessus des pogroms, du ghetto de Cracovie, des chambres à gaz, de la misère et du vagabondage, des sectes meurtrières, d’une justice corrompue, des média complaisants, des meutes ignares et haineuses, des milices de la prohibition du vice et même de la 45ème cérémonie des César transformée en tribunal.


Malheureusement, dans ce monde du politiquement correct et de la bien-pensance, où la morale cherche désormais à dicter aux cinéastes ce qu’ils doivent filmer et comment ils doivent se comporter dans leur vie privée, Roman Polanski ne tournera probablement plus de films tandis qu’Adèle Machin continuera d’en faire. Ni le septième art, ni la justice n’en sortiront grandis. Il nous restera à revoir les chefs-d’œuvre d’un génie qui permettent de supporter la sinistre réalité d’une société rongée par le virus de la connerie et que le cinéma français aime tant filmer au premier degré.

Saturday, March 02, 2019

TODA !


Une stèle mémorielle juive vandalisée, une croix gammée taguée sur le visage de Simone Veil, un philosophe juif insulté, des vitrines de commerces juifs dégradées, un arbre planté à la mémoire d’Ilan Halimi retrouvé scié… les actes antisémitismes se multiplient à tous les coins de rue, convertissant en faits divers la haine du juif et un antisionisme décomplexé diffusés sur les réseaux sociaux et dans les médias. Face à ces ignominies relevant de la bêtise ou de l’endoctrinement, j’ai encore en mémoire le demi-sourire d’Alain Finkielkraut lorsqu’il est injurié par une sous-merde en pleine rue. On peut percevoir dans ce demi-sourire à la fois de la lassitude et de la moquerie à l’égard d’un quidam salafiste en mal de notoriété, un crachat de plus, presque dérisoire à l’aune de ce qu’a vécu le peuple juif dans sa longue et lourde histoire. L’envie nous prend de cogner l’étron qui l’étrille, quitte à se salir les mains. Mais finalement, on est enclin à imiter le philosophe : tourner le dos à la haine et poursuivre son chemin.
En ce qui me concerne je ne suis pas juif, j’aurais aimé l’être malgré la difficulté de le devenir. J’aime la spiritualité, l’intelligence, la créativité et l’humour que les juifs placent au centre de tout. J’aime la somme de leur génie qui a forgé l’art et la science. J’aime leur pays, ce bout de terre aride qu’ils ont transformé en pays de cocagne et qu’ils défendent âprement. J’aime les juifs car ce qu’ils apportent au monde est considérable, j’en veux pour seul exemple que 22% des lauréats des Prix Nobel sont d’origine juive alors que les juifs ne représentent que 0,2% de la population mondiale. Sans les juifs, pas de micro-ordinateur, d’Internet, de Google, de Facebook, de circuit imprimés, de téléphones portables. Sans eux, pas de vaccins, de transplantions d’organes, de traitements contre le Sida, le cancer, la malaria, la sclérose en plaques, la leucémie. Pas de Pénicilline, de préservatifs, de défibrillateur cardiaque, d’électro cardiogramme, de laser. Pas de télécommandes, ni se stylos à billes. Pas de poupées Barbie, de cinéma parlant  ou d’intelligence artificielle. Bref, sans eux, ce serait moins drôle.
J’aime surtout les juifs parce qu’ils me font rêver, m’émeuvent, construisent mon imaginaire, m’élèvent. Je pense aux cinéastes d’abord, de Sergei Eisenstein à Aaron Sorkin en passant par Joseph Mankiewicz, Billy Wilder, Sydney Lumet, Arthur Penn, John Schlesinger, John Frankenheimer, Otto Preminger, Sydney Pollack, Darren Aronofsky, Stanley Kubrick, Fritz Lang, Oliver Stone, Roman Polanski, Steven Spielberg, Michael Mann, Alexandre Aja, William Friedkin, Richard Donner, Sam Raimi, Doug Liman, Mathieu Kassovitz, les frères Coen, les sœurs Wachoswky, David Fincher, etc... Je pense aux producteurs de films, des Zanuck, Goldwyn, Meyer, Thalberg jusqu’aux Jerry Bruckheimer, J.J. Abrams, Joel Silver, sans lesquels Hollywood serait encore une bande de désert. Et imaginez le cinéma français s’il n’y avait pas eu Claude Berri ! Je pense aux Marx Brothers ou à Woody Allen, Mel Brooks, Jerry et David Zucker, Jim Abrahams, Gad Elmaleh, Francis Veber, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, Alain Chabat, Gilbert Melki, qui me font pleurer de rire. Je pense aux actrices, de Marilyn Monroe à Gal Gadot en passant par Lauren Bacall, Elisabeth Taylor, Gwyneth Paltrow, Winona Ryder, Scarlett Johansson, Sandrine Kiberlain, Kim Basinger, Natalie Portman, Rachel Weisz qui me font tomber amoureux. Je pense aux acteurs américains de Paul Newman à Jake Gyllenhaal, en passant par Dustin Hoffman, Kirk et Michael Douglas, Joaquin Phoenix, Robert Downey Junior, Alec Baldwyn, mais aussi aux acteurs français Yvan Attal, Richard Berry, Vincent Elbaz, Patrick Bruel, incontournables. Je pense aux Gotlib, Goscinny, Jodorowsky, Joann Sfar, Frank Miller, Albert Cohen, Henri Bergson, Joseph Kessel, Stefan Zweig, Franz Kafka, Isaac Asimov, Philip Roth, Jerome Charyn, Isaac Singer, qui ont écrit parmi les plus belles pages de la BD et de la littérature. Je pense à Barbara Streisand, Serge Gainsbourg, Leonard Cohen, Asav Avidan, Mendelssohn, Gershwin, Mahler, Jerry Goldsmith, Leonard Bernstein, Hans Zimmer, Arthur Rubinstein, Yehudi Menuhin qui m’ensorcèlent. Je pense aux peintres, Chagall, Modigliani, Soutine, Velasquez qui m’éblouissent. Je pense à tous les êtres brillants qui ont repoussé les limites de l’esprit humain, Bobby Fischer, Albert Einstein, Boris Cyrulnik, Steve Jobs… J’en oublie dans mon Panthéon, sûrement des plus grands encore, mais j’arrête là, il faudrait une encyclopédie pour les citer tous. Et puis cette chronique m’a donné envie d’aller revoir sur le champ « Ils sont partout » l’excellent film de Yvan Attal.  

Thursday, January 31, 2019

KÖPING NOUS MET KO !


Lire du polar sans avoir lu Le Manufacturier c’est comme surfer sur Internet sans jamais être descendu dans les profondeurs  ténébreuses et abyssales du Dark Net.  On reste en surface. Vous croyez avoir tout lu ? Alors lisez Le Manufacturier.


Deux intrigues principales sont développées avant de se percuter de façon implacable, brutale et inattendue. Un serial killer vend pour des poignées de bitcoins l’accès à un site de hurtcore sur le Dark Net proposant en streaming des mises en scène d’une violence inouïe où les victimes sont véritablement violées, torturées et tuées. Un capitaine de police antipathique, brutal et macho va mener l’enquête au Havre. Parallèlement, une avocate serbe avec l’air d’une rescapée d’un camp d’extermination se détruit à coup de tabac en se demandant s’il lui restera assez de temps à vivre pour coincer Dragoljub, un ancien tortionnaire paramilitaire serbe qui a disparu dans la nature après la guerre de Yougoslavie en 1991.
Le style de Mattias Köping colle au récit, brutal, tranchant, efficace, à part quelques termes qui me semblent parfois un peu désuets dans la bouche des racailles de banlieue. L’histoire est construite comme un puzzle démoniaque dont les pièces se mettent en place pour révéler une vérité qui glacera le sang du plus blasé des lecteurs. D’une lucidité douloureuse et indicible, l’auteur balance des phrases comme celle-ci :

« Un vrai dieu appelle toujours au massacre. Il est exclusif, jaloux, intolérant, violent. Les religieux œcuméniques sont des menteurs et des hypocrites. Au fonds, ils sont convaincus que seul leur Dieu à eux est le vrai, l’unique, l’absolu. Si tel n’était pas le cas, ils en changeraient, tout simplement. Dans les démocraties, ils n’osent pas le proclamer, car ce n’est pas politiquement correct. »

Au-delà du fond et de la forme, le point fort du roman est sa galerie de personnages hauts en noirceur, loin des stéréotypes, que l’on n’arrive pas toujours à cerner et qui se révèlent à la fin, souvent dans leur abjection. Radiche, Milovan,Vivardoux, Irena, resteront par leurs actes longtemps gravés dans vos mémoires. Surtout Irena Ilic. Au milieu des brutes épaisses que l’on croise dans Le Manufacturier, ce frêle petit bout de femme en sursis illumine entre deux quintes de toux ce roman aussi noir que ses poumons saturés de goudron.  
Attention, Le Manufacturier est à ne pas mettre entre toutes les mains ! Car Mattias Köping va jusqu’au bout de son propos, sans pusillanimité, sans recourir à l’ellipse, avec un souci du détail déclenchant la nausée. Tout l’intérêt est là. D’une part notre esprit formaté ne pourrait pas imaginer la monstruosité des viols et des tortures qui sont perpétrés. D’autre part, Köping condamne le voyeurisme pervers en provoquant le dégoût, à l’instar de ces scientifiques dans Orange Mécanique qui s’emploient à guérir Alex de son appétence pour le sexe et la violence à force de projections de films hard et gore. L’auteur écorne au passage les thrillers racoleurs qui surenchérissent dans la violence gratuite pour exciter les lecteurs et lectrices en mal de sensations fortes.  
Le Manufacturier sonde les bas-fonds de l’histoire et de l’âme humaine. On en prend plein la tronche et l’estomac, on est assommé, on chancelle, mais rien n’est gratuit. Köping nous met KO pour mieux chambouler nos certitudes de lecteurs de polar, mais aussi nos certitudes d’être humain. Mais rassurez-vous, après avoir refermé ce livre vous pourrez reprendre une lecture normale.

Monday, July 02, 2018

ANARCHIE!


La grève menée par le syndicat UNSA-ICNA et une poignée d’enculés de contrôleurs aériens d’Aix-en-Provence, vient de foutre en l’air mes cinq jours de vacances prévues en Sicile. La semaine dernière, ils avaient déjà pourri mon retour du salon du livre de St Maur en Poche. Je ne vais pas me plaindre, je vais rester chez moi à Vence et je reconnais qu’il y a pire comme endroit pour passer les cinq prochains jours. J’en profiterai pour faire quelques travaux d’entretien de ma maison. Je reconnais aussi que les nuisances de ces grévistes sur mon boulot ou mes vacances sont moins pénalisantes que sur le sort des gens que j’ai vus au bord de la crise de nerf dans les aéroports à la suite de leurs vols annulés, des enfants en pleurs, des parents angoissés à l’idée de perdre leur boulot, un chirurgien dépité qui devait opérer le lendemain, des touristes complètement désemparés, des étrangers à la rue, des petites gens effondrés de voir leurs vacances qu’ils avaient gagnées au terme d’un an d’économie réduites à néant... Ils doivent kiffer grave ces quelques frustrés de la tour de contrôle payés à regarder les autres partir en voyage. Ce sont eux les rois de la piste ! Non seulement ils régulent le trafic aérien, mais ils font la pluie et le beau temps en France. Ils font chier le peuple face aux ricanements des politicards qui n’en ont rien à foutre (jamais t’envoies l’armée Macron ?), à l’indifférence des riches qui sur leurs yachts ne sont pas concernés et à celle des médias plus préoccupés par le foot, le cyclisme et la météo. Depuis le début de l’année, les cons-trôleurs aériens d’Aix ont fait annuler 5000 vols et pris en otages 784 000 passagers pour exiger quelques avantages sociaux. En toute impunité. Et si on décidait un jour, nous les passagers aériens, que l’on considère comme du bétail, de prendre en otage les familles de ces minables assis dans leur tour de contrôle à la con afin d’exiger que sur leurs propres deniers  ils nous payent en guise de dédommagement une semaine de vacances à Bora Bora? Juste ça. En tout impunité bien sûr. 
Allez, vive le crime et l'anarchie!