Monday, March 02, 2020
Depuis la sortie de
« J’accuse » on pourrit la vie de Roman Polanski avec une affaire de mœurs pour laquelle il a plaidé coupable, a été condamné et a purgé
sa peine il y a plus de 40 ans.
Polanski a payé sa dette derrière
les barreaux, tout comme le réalisateur des « Misérables » d’ailleurs,
qui lui, par chance, n’est pas inquiété par l’ire des féministes. Malgré cela, Polanski
a dû fuir les USA à l’époque, à cause d’un juge corrompu qui a voulu refaire son
procès afin de tirer avantage de la médiatisation de l’affaire. Le juge Rittenband
sera finalement dessaisi de l’affaire pour irrégularités et abus de pouvoir, et
le procureur déclarera que le temps passé par Polanski en prison correspond à
la totalité de sa peine. La justice américaine procédurière n’a toujours pas
clos le dossier puisque le réalisateur n’est jamais revenu sur le sol américain.
Quarante ans plus tard, sur le
sol français cette fois, Polanski est la cible d’une inquisition 2.0 menée à
l’ère #MeToo par des activistes avides eux aussi de médiatisation, et se
moquant complètement de la vérité et de la justice.
La cabale prend une telle ampleur
que la victime de cette vieille affaire qui lui a pardonné depuis longtemps est
obligée de reprendre le micro encore aujourd’hui pour demander qu’on foute la paix à
Polanski.
A ce jour aucune procédure
judiciaire n’a été engagée sur une autre affaire de mœurs impliquant Polanski. Le
reste n’est donc que témoignages douteux et invérifiables, ragots, rumeurs et
mépris total pour la présomption d’innocence.
Et puis il y a eu la cérémonie
des César.
Je n’aime pas cette réunion
syndicale présentée chaque année par un amuseur (ou une amuseuse, je précise) à
l’humour balisé. Un show suranné où l’on récompense des comédies franchouillardes
et des drames sociaux qui sont loin de nous faire rêver et n’ont que peu à voir
avec l’art. Un spectacle de bobos où les discours de remerciements sont le
prétexte à des revendications et à des leçons de morales affligeantes
rivalisant avec celles déclamées lors d’une élection de Miss France. Une soirée
paillettes où une poignée de privilégiés en goguette s’auto-congratule tout en
s’efforçant de nous montrer qu’ils sont humains, que la misère dans le monde ça
les touche eux aussi. Un défilé de bien-pensants avec un balai dans le cul et
des gueules de grenouilles de bénitiers, réclamant des quotas. Le cinéma ne
représente pas assez les femmes, les noirs, les jaunes, les roux, les diplômés,
les nains, les malentendants, les retraités, les jeunes acnéiques, etc… Le projet pour l’instant étant
de nous vendre un cinéma où le sexe et la couleur de la peau prévaudraient sur
le talent.
Vendredi soir, la bouffonne de
service était Florence Foresti. Elle a annoncé d’emblée qu’il fallait du
courage pour être à sa place. Du courage pourquoi ? Pour se payer la tête
de Polanski qui n’était pas là pour se défendre ? Pour balancer des vannes
évoquant les belles heures de l’humour antisémite sous l’occupation ? Sérieusement, quand on ressemble à Foresti, se permettre d’attaquer Polanski sur son physique
c’est un peu jouer avec le feu, non ?
Durant cette 45ème
cérémonie des César, le courage est venu de quelques artistes comme Fanny Ardant qui s’est
désolidarisée de la condamnation générale, ou de Kassovitz qui a mis en garde les
actrices pudibondes prêtes à pousser des cris d’orfraie. Quand le jeu de séduction
entre le réalisateur et son actrice sera prohibé, il n’y aura plus cinéma.
Et puis, il y a eu ce moment
inattendu : l’attribution par l’ensemble de la profession du César de la meilleure
adaptation ainsi que celui de la meilleure réalisation à Roman Polanski. Darroussin
a failli s’étouffer en ouvrant l’enveloppe, incapable de prononcer le nom
du réalisateur. Quel kiff ! Non seulement on consacrait le plus grand
cinéaste contemporain de langue française mais Darroussin menaçait de finir aux
urgences. L’Académie des César avait eu les couilles de récompenser Roman le
Maudit à coups de milliers de votes ! Vendredi soir, l’art s’est hissé
au-dessus de la meute hurlante, au-dessus des rumeurs et des cris de la rue qui
tordent la vérité pour justifier des convictions sectaires, au-dessus du
harcèlement des médias et des réseaux sociaux où l’on compare le présumé
coupable à une ordure, voire au pire des assassins, certains imbéciles allant
jusqu’à le mettre sur le même plan que Bertrand Cantat ou Hitler (sic). Les
gens aiment haïr et ils ont le lynchage facile. La vindicte populaire est aveugle.
C’est la même qui s’en prend au fugitif incarné par Redford dans « Impitoyable »
ou aux trois suspects dans « Le glaive et la balance ». Vendredi
soir, elle a été contrée par deux petites statuettes en bronze. La profession a
tenu bon.
Dans l’assistance, Adèle Machin, frustrée de ne pas avoir été récompensée malgré le buzz qu’elle avait créé
autour de sa petite personne, et choquée de l’honneur rendu au maître du
septième art qui ne la fit jamais tourner, s’est levée en couinant « c’est
une honte ». Quelques autres l’ont suivie religieusement à la manière d’une
cohorte de bigotes effarouchées.
Les vautours qui rôdent autour de
Polanski dans l’espoir de lui arracher une petite part de sa célébrité comme le
fit le juge Rittenband ou pire David Chapman en abattant John Lennon, n’ont réussi
leur coup qu’à moitié. Ils ont pris certes un peu de la gloire de Polanski, mais
ils n’ont pas réussi à lui en enlever. Je conseille donc désormais aux obscurs
et aux sans-grades en mal de notoriété ainsi qu’aux activistes de la vertu de
se choisir d’autres cibles. Pourquoi ne pas aller décrocher la Joconde du
Louvre par exemple, dont l’auteur, assurément, ferait passer Polanski pour un
saint ?
L’artiste est comme l’albatros du
poème de Baudelaire. Semblable au prince
des nuées qui hante la tempête et se rit de l’archer, exilé sur le sol au
milieu des huées, ses ailes de géant l’empêchent de marcher. L’auteur de
« Chinatown » et de « Rosemary’s baby » a dû s’élever
au-dessus des pogroms, du ghetto de Cracovie, des chambres à gaz, de la misère
et du vagabondage, des sectes meurtrières, d’une justice corrompue, des média complaisants,
des meutes ignares et haineuses, des milices de la prohibition du vice et même
de la 45ème cérémonie des César transformée en tribunal.
Malheureusement, dans ce monde du
politiquement correct et de la bien-pensance, où la morale cherche désormais à dicter
aux cinéastes ce qu’ils doivent filmer et comment ils doivent se comporter dans
leur vie privée, Roman Polanski ne tournera probablement plus de films tandis
qu’Adèle Machin continuera d’en faire. Ni le septième art, ni la justice n’en
sortiront grandis. Il nous restera à revoir les chefs-d’œuvre d’un génie qui
permettent de supporter la sinistre réalité d’une société rongée par le virus
de la connerie et que le cinéma français aime tant filmer au premier degré.
0 Comments:
Post a Comment
<< Home