
Jeudi 22 février. Sortie de La dernière arme. Je quitte mes personnages et le monde dans lequel j’ai vécu pendant deux ans pour sauter à pieds joints dans le monde réel qui ressemble étrangement à celui dans lequel j’ai plongé mon héros. Rien n’a changé depuis que j’ai commencé à écrire La dernière arme. L’humanité est plus que jamais décimée par la connerie, l’intérêt, la pollution, les catastrophes naturelles, le nationalisme, le patriotisme, la religion, la grippe aviaire, les pesticides, les médicaments… Abêtie par la culture et les loisirs de masse débilitants, les programmes télé, les infos insignifiantes, les idées reçues, le politiquement correct, les donneurs de leçon, la surconsommation... Contrôlée par les satellites, l’informatique, Internet, les cartes de crédit, les fichiers, les téléphones cellulaires, les radars… Tout va bien, La dernière arme est encore plus d’actualité qu’il y a deux ans. Par chance, Dan Brown n’a pas traité le sujet et l’on ne pourra pas me taxer de surfer sur une vague que son succès aurait déclenchée.
Côté héros, de qui dispose le monde ? Apparemment, le personnage principal est toujours George Walker Bush qui se prend pour Alexandre Le Grand. Mais je suis sûr qu’Oliver Stone prépare déjà une épopée flamboyante sur GWB à la manière de JFK. Quel héros pourrait sauver la planète ? Pas le mien en tout cas, car ce n’est la tache, ni l’ambition de Nathan Love. Partagé entre la philosophie bouddhiste qui prêche l’éradication des origines de la souffrance et la philosophie nietzschéenne qui incline à accepter le monde tel qu’il est, Nathan ne bouscule les choses que lorsqu’il est sous influence. D’une femme en général.
Qui peut donc sauver la planète ? Quelle arme utiliser? Il y en une. La dernière.
Les deux pieds désormais dans le réel, je sors de mon érémitisme pour faire face aux lecteurs, aux journalistes, aux critiques, aux questions. Comment vendre La dernière arme en quelques secondes ? En racontant les trois disparitions incroyables qui ouvrent le roman ? En déclarant que j’ai inventé des terroristes du Bien perpétrant des attentats complètement inédits ? En évoquant le mal infâme et les choses magnifiques sur lesquels j’ai braqué mes projecteurs ? En annonçant au lecteur qu’il risque d’être méchamment secoué, voire choqué au fil des 600 pages, à cause de la violence, du rythme, des combats, du sexe, des rebondissements, des révélations, conçus dans le but ultime de kiffer grave jusqu’au dénouement ?
J’écris pour les jeunes nourris au rock et au cinéma, qui n’ont jamais lu parce que la littérature blanche est devenue sale et que la littérature noire est devenue grise. J’écris pour les moins jeunes qui aiment se shooter au verbe et dévorent un bouquin comme ils dévorent un film. Je veux manipuler les lecteurs, les empêcher de dormir, leur donner envie de coucher avec mes personnages, les faire voyager, rêver, cauchemarder. Sans déroger à ma règle de trois: Vérité, Imagination, Honnêteté.
Mon roman investit les librairies. J’espère qu'il rencontrera ses fidèles.
Je suis confiant car j’ai vendu mon âme au Diable Vauvert.