Friday, March 07, 2008

Les artistes sont des gens sans importance

Les génies sont fatigués. Après Quentin Tarentino qui nous a servi un « Death Proof » écrit comme un téléfilm, Brian De Palma nous sert un « Redacted » indigent, pompé sur un de ses précédents films « Outrages », mélangeant pseudo info et complaisance nauséeuse à la manière de Michael Moore. De l’esbroufe pour dire que la guerre c’est pas bien et que ça fait des victimes. Putain le message ! Quand il était plus jeune et moins con, De Palma avait déclaré en 1990 dans Starfix (magazine de cinéma comme on n’en fait malheureusement plus aujourd’hui) quelque chose de très juste :
« Les artistes sont des gens sans importance. L’art n’a pas de valeur sociale. Qui veut vraiment aider l’humanité doit choisir d’être médecin plutôt que cinéaste. Le métier d’artiste est égoïste, il consiste à imposer aux autres sa propre vision du monde ».
L’artiste n’est pas un donneur de leçons, ni un délateur, ni un propagandiste. C’est un visionnaire. Tu devrais te relire Brian au lieu de te copier, remballer ta caméra HD, retrouver un peu d’humilité et nous filmer en cinémascope un putain de bon film comme tu savais le faire jadis.
L’essoufflement, la grosse tête et le manque d’inspiration gagnent de plus en plus de grands d’ Hollywood, Tarantino, De Palma mais aussi Oliver Stone. Ce dernier nous avait déjà concocté un « World Trade Center » digne d’une fiction de TF1. Le voilà désormais parti au Venezuela filmer les gesticulations, les simagrées médiatiques et les bruits de bottes du Che Chavez. Pourquoi un panégyrique sur ce va-t-en-guerre plein de fiel et de haine qui joue avec la vie des otages retenus par ses complices les FARC mis à contribution dans sa glorification sur la scène internationale ? Pourquoi ne pas aller plutôt filmer Cristina Kirchner, plus discrète certes, mais beaucoup plus dévouée à son pays qu’elle est en train de relever de façon magnifique ? Après le chaos et la récession, l’Argentine retrouve en effet une croissance à la chinoise, créé des emplois jusqu’à ramener le taux de chômage à 7,5%, engrange des excédents fiscaux et commerciaux à des niveaux records, et se paye même le luxe d’avoir des visions à long terme (chose que nous avons oublié en France), comme la réduction à un seul chiffre du taux de pauvreté en 2010. Va filmer ça Oliver ! D’accord, tu n’enregistreras pas de discours martiaux, tu ne filmeras pas de déploiement de forces, de coups médiatiques, de libération truquée d’otages, de mouvements de foules soigneusement chorégraphiées. D’accord, ce sera moins cinématographique que la merde foutue par Chavez et sa racaille pseudo marxiste. Mais est-ce que Cristina Kirchner ne ferait pas une bien plus belle héroïne, plus passionnante à regarder et à écouter et n’est-ce pas plus rare et donc plus intéressant de voir un pays se relever dans la démocratie, la discrétion et la tolérance ?
Heureusement, les frères Coen, eux, n’ont pas perdu la main. Dans « No country for old men » ils alignent avec maestria les scènes d’anthologie, et filment un Javier Bardem au sommet de son art. Même si le scénario tient en deux lignes, la mise en scène relève de la perfection. Une perfection au service, non pas d’un message politique niais, mais d’émotions et de sensations fortes. C’est ce qu’on demande avant tout à un réalisateur de thrillers et c’est ce que semblent avoir oublié quelques vétérans d’Hollywood.

3 Comments:

Blogger Nathalie said...

Cher Philip,

J’aime vous retrouver sur votre blog afin de lire vos critiques acerbes sur la société, les personnalités politiques, ou bien découvrir un pays que vous avez traversé. C’est une démarche plutôt agréable et généreuse de garder le contact avec vos lecteurs.
Cependant aujourd’hui j’apprends avec stupeur que De Palma et vous partagez le même point de vue à savoir : « Les artistes sont des gens sans importance. L’art n’a pas de valeur sociale. Qui veut vraiment aider l’humanité doit choisir d’être médecin plutôt que cinéaste. »

Tout d’abord, si pour sauver l’humanité il suffisait de sauver des vies, alors il n’y aurait plus de guerre, de conflit sur Terre, plus de famine, de racisme, et notre existence à tous, nous terriens, serait alors si simple !
Non bien sûr !
Je comprends que De Palma puisse tenir ce genre de critique envers l’Art et les artistes !
De Palma n’est ni un créateur ni un artiste, mais un bon metteur en scène. Dans toute sa filmographie on peut constaté qu’il s’est inspiré d’autres œuvres. Je ne les citerai pas toutes mais on peut noter Body Double remake de Fenêtre sur Cour, Pulsions remake de Psychose, Les Incorruptibles tiré de la série télé, etc ...
Je me dois également de parler de sa dernière adaptation. Il faut être culotté pour oser s’attaquer au chef-d’œuvre d’ Elroy, et au final nous avons un pâle Dahlia Noir qui n’arrive pas à la cheville du style incomparable et brillant de cet auteur fascinant ! Alors oui monsieur De Palma, je peux comprendre que selon vous les artistes sont des gens sans importance.

Je suis comédienne professionnelle, et lorsque je monte sur scène, je ne sauve pas de vie j’en conviens, mais permettez-moi de manifester mon désir de ne pas voir mon métier présenté comme une chose sans importance !

Bref, cela étant dit, je souhaiterait également protester sur la « valeur sociale » de l’Art.
Tout d’abord, il faudrait définir avec précision ce terme. L’Art a-t-il une valeur ou une dimension sociale ?

Peut-être avez-vous entendu parler, si vous ne l’avez pas vu, du documentaire extraordinaire maintes fois primé de Zana Briski, photographe New-yorkaise, qui a réussi à filmer le quartier des prostituées à Calcutta, et à initier leurs enfants à la photographie.
Ces enfants n’ont jamais vu un appareil photo de leur vie.
Ils ont entre 8 et 13 ans, et leur existence se résume à se lever à 4h30 du matin (pour certaines jeunes filles), se rendre chez des femmes du quartier pour faire leur ménage afin de gagner quelques roupies de plus, aller à l’école, se faire battre par leurs parents car ils ne ramènent pas assez d’argent, vivre dans la crasse et le désespoir.
On s’attache à eux très vite. On les écoute avec une vive émotion, parfois avec les larmes aux yeux, l’estomac noué et le cœur soudain trop gros dans la poitrine.
Grâce à Zana Briski et à sa passion pour la photographie, ces enfants vont se transformer devant nous.
Ils se révèlent extrêmement doués, et sont dotés d’un sens artistique inouï. Ils découvrent qu’ils peuvent créer des choses belles et vraies. Shanti , 11ans dira : « Nous aimons tant la photographie que nous oublions de faire nos devoirs ».
Ces enfants vont petit à petit entrevoir un avenir, découvrir une partie d’eux-mêmes qu’ils ignoraient, voir avec des yeux neufs le monde qui les entoure.
Suchitra dit : « Quand j’ai un appareil photo dans les mains je suis heureuse. Je sens que j’apprends quelque chose. Je peux devenir quelqu’un ».
Dans ce cas précis, je sais que l’Art possède une valeur sociale.
Je peux aussi parler du Théâtre dans certains états d’Afrique, qui rassemble tout un village, afin de sensibiliser la population face à des sujets encore tabous comme le SIDA. Là aussi, l’Art possède une valeur sociale.

Dans ma vie je n’ai jamais sous-estimé le pouvoir de l’Art.
Un livre, un film peut changer ou bouleverser une vie.
« La Ruée vers l’Or » continue de m’émerveiller depuis mes 12 ans, c’est probablement grâce à Chaplin que j’ai choisi de raconter des histoires à mon tour.
Et je dois dire (ce n’est que le millième compliment que je vous fait cher Philip), que sans Le dernier Testament, je ne me serais pas autant passionnée (ou plus tard peut-être) pour la philosophie bouddhiste qui me fait comprendre bien des choses, et que je considère comme une révélation dans ma vie!
Alors permettez-moi de revendiquer que les artistes ne sont pas des gens sans importance.
Ils sont un témoin du passé, du présent et de l’avenir.
Sans les histoires, et sans l’Art, que serions-nous ?
En tout cas le débat reste ouvert et ça c’est intéressant !

J’espère vous voir au Salon du Livre, ça nous changera du Mans !

Je vous embrasse,

Nathalie VENEAU.

9:16 AM  
Blogger Philip Le Roy said...

Beaucoup de belles choses dans ton mail, Nathalie, car écrites avec passion et émotion. Normal pour l’artiste que tu es. Le titre de ma dernière chronique était certes provocateur, mais pas totalement exempt de vérité. Sachant que le contraire de toute vérité est aussi vraie que la vérité elle-même. J’avais envie de renvoyer à leur isoloir tous ces pseudos artistes qui se donnent bonne conscience en se servant de l’art pour soutenir une doctrine politique. Le seul engagement possible de l’écrivain est de dire la vérité telle qu’il la voit et non sous le couvert de telle ou telle philosophie (ce n’est pas moi qui le dit, c’est Anthony Burgess). L’artiste sort de l’art dès qu’il entre en campagne. Sa capacité à changer les choses est donc très limitée. Qu’ont fait les artistes pour la planète ? Lequel d’entre eux a changé l’histoire ? Michel-Ange, Mozart, Hugo, Kubrick ont laissé derrière eux des chefs-d’œuvre qui rendront la croisière plus belle mais n’empêcheront pas le Titanic de couler. De toute façon, écrire une phrase sur la Russie ou pondre un dialogue sur la Chine, ne sauvera aucun enfant de Tchétchénie, ni aucun moine du Tibet. En revanche, l’auteur se sentira beaucoup mieux. Chose dont on se fout royalement.
Chez les Navajo, le mot art n’existe pas. Car la beauté n’est pas liée à l’art mais à un état de paix, d’harmonie, d’équilibre. Lorsque les Navajo parlent de beauté, ils parlent de religion, de santé, de philosophie. Seul compte le tout (comme dans le zen). Là-dessus, Nathan Love en dira un peu plus dans le roman que je suis en train de commencer... Ce qui ne doit pas nous empêcher de continuer cette discussion sur le blog ou au salon de Paris.
@+++!

3:23 AM  
Blogger pampa said...

Chez les Navajo, le mot art n’existe pas. Car la beauté n’est pas liée à l’art mais à un état de paix, d’harmonie, d’équilibre. Lorsque les Navajo parlent de beauté, ils parlent de religion, de santé, de philosophie. Seul compte le tout (comme dans le zen). Là-dessus, Nathan Love en dira un peu plus dans le roman que je suis en train de commencer...

oh oui, tony hillerman et le zen
eh eh eh
arretez de nous allecher......
bon diou, on attend nous
2010

12:47 AM  

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