Friday, November 19, 2010

ARTERES SOUTERRAINES

Il m’arrive rarement de tomber sur un bouquin qui me surprenne, me happe, me fasse rire, m’apprenne des choses. Surtout dans le polar contemporain, plombé par le cliché, la morosité, l’idéologie, les conventions. Et là je viens de pêcher une perle noire, un bijou commis par un scénariste de comics estampillés Marvel qui se lance dans le polar façon Danny Boyle. J’ai cité Artères souterraines de Warren Ellis, publié Au Diable Vauvert.


Le meilleur moyen d’en parler, c’est d’arrêter de le faire et de citer l’artiste, à la manière de la Séquence du spectateur ou plutôt du lecteur.

La première phrase du roman, d’emblée donne le ton :

J’ai ouvert les yeux pour voir le rat pisser dans mon mug.

Le chef de cabinet de cabinet du président des Etats Unis débarque peu après dans le bureau du détective Michael McGill pour faire appel à ses services. Kiffez la tirade du cacique :

« Vous voyez Mike, nous avons besoin d’un balai à chiotte humain qui n’a pas peur de plonger dans la cuvette qu’est l’Amérique. Nous n’avons que faire d’un homme qui se contenterait de ramper sur la lunette et exigerait qu’on tire la chasse ou qu’on ajoute un bloc de Canard WC. Il nous faut quelqu’un qui soit heureux de patauger dans les étrons. Quelqu’un qui se foute de tout mais qui fasse son boulot. Que vous soyez une sorte de mutant moral sans aucun amour pour la patrie qui vous a engendré est, bizarrement, ce qui vous donne un sérieux avantage dans cette affaire. »

On appréciera également l’art, périlleux, de la description :

A l’intérieur, l’ait était chaud et salé. Les pièces étaient nickel, la déco un peu rétro, comme si on avait embaumé la maison de ma grand-mère en 1976. Il nous a précédé, ses muscles roulant sous sa peau comme des chats sous un couvre-lit en satin.

Quant au politiquement et moralement incorrect, un vrai bonheur :

J’ai collé un coup de coude dans la tronche d’un enfant pour que Trix puisse s’asseoir au hublot et elle s’est endormie tandis que je m’excusais encore auprès de la mère obèse et cradingue. Quand l’hôtesse s’est approchée pour intervenir, je lui ai expliqué que la mère me hurlait dessus en irakien. Elle et son engeance empoisonnée ont été brutalement escortées hors de l’avion.

Ce qui n’empêche pas les passages d’une clairvoyance bien sentie :

- Qu’est-ce que Ben Laden fait sur cette planète, qui touche la population tout entière ?
- Il a buté trois mille personnes dans ma putain de ville ?
- Mec, il se filme. Il a fait plus de vidéos que d’attentats terroristes. Il contrôle son message, il contrôle les médias qui se roulent sur le dos pour pouvoir donner la parole à ce putain de Satan, et il contrôle les gouvernements qui perdent leur temps à vouloir y décoder un message caché ou découvrir un indice quelconque. Alors qu’en réalité il ne fait qu’une chose : chercher à ce que les gens écoutent son message. Un vieux sac à merde planqué dans une grotte avec une caméra, mec. C’est ça, le pouvoir. Filmer son truc et le diffuser.


Et c’est tout comme ça sur 293 pages. Ah oui, savez-vous comment doubler sa dose de whisky sans en rajouter? Ou bien ce que signifie un bukkake macroherpétophile ? Cela fait partie des choses merveilleuses que l’on apprend dans Artères souterraines de Warren Ellis.

1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Je sent que je pourrai bien m'éclater à le lire.
La blonde

3:27 AM  

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