Tuesday, September 01, 2009

LA RENTREE



Nous abordons la période de l’année que l’on appelle « rentrée ». La France se retrouve autour des machines à café après avoir passé deux mois la tête dans le sable. Le Français engourdi se remet peu à peu dans le bain du turbin. Le pantacourt et le débardeur sont dans le panier de linge sale, la voiture est lavée, les gosses équipés pour leur premier jour d’école. C’est le moment des grandes décisions, quel sport vais-je pratiquer cette année ou qu’est-ce qu’on va faire aux vacances de Noël ? C’est la rentrée des politicards qui vont se remettre à politiser. La rentrée sociale avec ses cortèges de manifs. Les congés payés vont finir d’user leurs espadrilles surs les pavés de Paris et les étudiants révolutionnaires vont ressortir leurs slogans, profiter encore un peu de leur statut d’irresponsables avant qu’ils n’entrent dans une catégorie socioprofessionnelle imposée par la nécessité de payer le loyer, le supermarché et l’essence. C’est aussi la révélation des nouveaux programmes télévisés, généralement réchauffés, avec une cohorte d’animateurs débiles et de journalistes qui s’intéressent à nouveau au monde. C’est la rentrée littéraire avec ses 650 bouquins, la plupart illisibles, la plupart marketés, la plupart écrits par des « médiauteurs » aux à-valoir calculés sur leur audimat, qui n’ont d’ailleurs plus rien à raconter et sont contraints de puiser l’inspiration dans leurs souvenirs personnels pour continuer à occuper les étals des librairies, un peu comme les nazis occupaient la France en quarante. Même diktat du bon goût, même propagande, même collaboration généralisée. La rentrée littéraire s’accompagnera prochainement de remises de prix bidons magouillés en coulisses et qui arrivent encore à berner la moitié du pays.
Je n’ai pas réussi à me passionner pour un livre cet été, à part un vieux Stephen King et « l’Art de la Guerre » de Sun Zi qui est loin d’être une nouveauté. Suis-je blasé au point de ne voir dans le roman que la récupération de stéréotypes mille fois déclinés et enseignés dans les ateliers d’écritures à des ex-taulards ou à des traders reconvertis en auteurs de thrillers? Depuis « La griffe du chien » de Don Winslow, je n’ai rien lu à la hauteur. Seul « Miserere » de Grangé m’a tenu en haleine. Est-ce pour cela que j’écris ? Parce que je ne trouve pas chez les autres ce que j’aimerai lire ? Il y a un peu de ça. Quand j’ai vu la « Crucifixion » du Tintoret, j’ai su que je ne serai jamais peintre. Quand j’ai vu la « Piéta » de Michel Ange, j’ai su que je ne serai jamais sculpteur. Et quand j’écoute Mozart, Ennio Morricone ou Metallica je suis découragé de jouer de la musique. Récemment, j’ai vu le dernier film de Quentin Tarantino qui a plus que jamais retrouvé sa verve, ses dialogues ciselés dans la perfection, sa mise en scène lumineuse, et je suis soulagé de ne pas être cinéaste. Tarantino a dit un jour que son meilleur conseiller restait le spectateur qui est en lui. C’est pour ça qu’il fait de bons films. C’est pour ça que « Inglourious Basterds » n’est pas un pensum historique ni une énième boursouflure hyper documentée sur la deuxième guerre mondiale. Au diable la vérité historique et l’approbation des censeurs. On n’est pas à l’école, mais au cinéma. « Inglourious Basterds » est un fantasme artistique et historique à l’état pur, où le cinéma tue Hitler, au sens propre comme au sens figuré, où le cinéaste transforme les choses existantes pour créer quelque chose d’unique.
QT a déclaré aussi que le public va au cinéma pour y être torturé. Vivre une expérience forte qu'il ne maîtrise pas. Telle est la voie. Le Dao. Dans « Inglourious Basterds », il aligne ainsi des scènes de tension désamorcées par un humour ravageur. La première séquence du film, anthologique, en est la meilleure illustration. Les spectateurs sont angoissés, en rage, prêts à exploser, et d’un seul coup, un détail ou une réplique nous fait éclater de rire. Juste après, on replonge dans l’horreur. On passe de la haine au rire, du rire à l’effroi, en un clin d’œil. C’est ça le cinéma. C’est ce que je recherche en littérature.
C’est enfin la rentrée des salons littéraires. Je peux déjà vous informer que dans quinze jours, je serai au Baz’art des Mots à Hauterives, en compagnie de Catherine Fradier et de Pierre Bordage. En octobre, il y aura Sang d’encre à Vienne et en décembre une tournée en Allemagne à l’occasion de la publication du « Dernier Testament » dans la langue de Goethe. Détails sur mon site.
Samedi dernier j’étais à l’Espace Culturel de Vence où la séance de dédicaces s’est transformée en réunion d’amis, toutes générations confondues. Merci à Véronique, Didier, Valoo, Thierry, Mégane (qui bientôt sera autorisée à me lire), Claire, Cédric, Pierrette, Guy, Marie-Agnès et tous les autres, pour être passés échanger quelques mots. Car comme aurait pu le dire Quentin Tarantino, mon meilleur conseiller reste le lecteur qui est en moi… et devant moi.

3 Comments:

Blogger pampa said...

a vienne enfin il vient a vienne

12:21 AM  
Anonymous Anonymous said...

Salut Philip,

heureux d'avoir de tes nouvelles.
A propos du Stephen King, ne s'agit-il pas... des Langoliers ?
Sinon, je souscris complètement à ton regard sur le Tarantino. Malgré mes tics d'historien, j'ai adoré. Avec, comme d'hab, une première scène bourrée de clins d'oeil (Le Bon, la brute et le truand) et un délire des plus jouissifs.

A bientôt !
Thomas Rabino.

6:10 AM  
Blogger Philip Le Roy said...

Bien vu pour King!
A+

12:49 AM  

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